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2022.01.27

Compte de femmes / Réédition aux éditions Unicité / Eté 2021

réédition de Compte de femmes, augmentée d'encres de Charles Eric Charrier

 

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ISBN : 978-2-37355-589-9

en vente au prix de 13 euros auprès de l'éditeur, en librairies,

auprès de l'auteure

 éditions Unicité, Francois Mocaer

 

 

première parution, Approches éditions, coll. textes nus,  janvier 2015,

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extrait

Durant le long voyage

(adossée aux pensées aux idées)

elle regarda insuffisamment les paysages et les fruits et les fleurs à cueillir les lieux les ciels qu’offrait sa terre

elle chercha veilla les hommes et leurs entendements mais rencontra les femmes

 

ISBN : 978-2-918526-32-2

recueil épuisé, mais quelques-uns disponibles auprès de l'auteure

Approches Editions, Erwann Rougé

Le Bourg

  03 360 Vitray

http://approches-editions.blogspot.fr 

corinne.lelepvrier@orange.fr

 

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une lecture d’Angèle Paoli, décembre 2016, in Terres de femmes

http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2016/11/corinn...


CONTE DE LA « NOUVELLE SECONDE FEMME »


Combien sont-elles au juste ? Difficile de faire le “dé-compte” avec précision. Elles se fondent les unes aux autres se confondent s’entremêlent. Se dérobent à une saisie unique. Elles forment toutes ensemble une longue étole de mailles, à la fois distinctes et floues, d’où émerge le visage (et les visages) de celle qui s’aventure à recomposer (avec elles et pour elle) son existence. Elle, c’est Corinne Le Lepvrier, poète et conteuse. Avec ce bref opus d’une écriture subtilement elliptique, une plaquette de dix pages en vingt-deux paragraphes, la poète se lance dans un voyage haletant et serré dans sa propre vie. En amont et en aval. Anticipations et montaisons du fleuve. Avec regards en arrière, à la manière d’Eurydice. De ce cheminement — un rebrousse-temps en premier lieu, qui s’immisce dans le présent pour filer vers un avenir proche — où « elle chercha veilla les hommes », ce sont les femmes qu’elle rencontre. Mère aïeules amantes filles et jusqu’à « l’inconnue déjà là », la non-nommée, Compte de femmes en est l’histoire. Et la poète, le maillon fort.

De chacune de celles qui ont compté pour elle à un moment de sa vie, la narratrice a quelque chose à apprendre. De chacune d’elles elle reçoit. L’expérience de la maladie et de la mort ; celle de l’« amitié-complicité » et celle d’une forme de bonheur. Avec celle qui vient « d’une contrée plus chaude et ventée » (une conteuse, elle aussi ?), elle revit le souvenir de « sa mère-silhouette sans cheveux ». Souvenir qui ravive en elle sa douleur d’enfant. Ailleurs, d’autres l’invitent à les rejoindre dans leurs joutes amoureuses. Tous ces dons constituent l’essence même du conte de fées. Autant dire que ces dons sont loin d’être toujours bienveillants. Cependant la plupart des femmes rencontrées en chemin l’aident à aller de l’avant dans son « parcours » singulier ; elles la soutiennent, la guident et lui montrent la voie pour se défaire de ses peurs, « l’invitant à enjamber la passerelle [...] regarder suffisamment affirmer le parcours déjà écrit tracé (peut-être fruit) ». Tout cela est suggéré, souvent de manière énigmatique ou estompée, plutôt qu’exprimé dans la crudité d’une réalité brute.

Dans son enfance, la poète se voit en jeune guerrière audacieuse, dressée contre les austérités de ses aïeules, transmises de génération en génération. Elle est celle qui se rebiffe en sa jeunesse fougueuse mais aussi celle qui « écarterait loin de ses attentions de ses lignées lignes
origines racines
dès que-suite à la mère morte. »

De paysages en visages, entre plus tard et ailleurs, la narratrice découvre d’autres histoires. Et, avec chacune d’elles, d’autres modes d’être. Avec ses deux filles, si différentes l’une de l’autre, elle fait l’expérience des contraires. Ce qu’elle avait appris de l’aînée ne vaut pas pour la cadette. L’aînée lui « demanderait de changer à une heure
d’une douce permanence
de l’être ».
La puînée au contraire
« lui demanderait de ne pas changer à
une heure d’un imminent désir d’être autre ».

Toutes deux se rejoignent dans la leçon commune qu’elles donnent à leur mère : celle de la « nécessité-beauté »/« beauté-nécessité » de « l’attachement-détachement ». Mais elle, la mère, où est-elle au juste ? Quel est son désir ? Assurément dans l’écriture. C’est là son port d’attache, son lieu de vie et son lieu d’être. Pour celle qui soudain se découvre vieillissante, soumise comme tant de ses sœurs au « jeu des saisissements et des déplacements » amoureux, se mettre en quête d’une autre elle-même relève d’une nécessité. Une autre elle-même qui donnerait naissance à « une nouvelle seconde femme ». Une nouvelle Ève en quelque sorte. Celle-là même qui contiendrait et rassemblerait en elle toutes celles qui l’ont aidée à se construire et qu’elle a aimées. Seule l’écriture peut permettre pareille symbiose ; pareille magie. Même si l’écriture est apparemment déstructurée, comme l’est celle de Corinne Le Lepvrier. Comme peut aussi l’être une vie. Une écriture qui procède par juxtapositions et pluralité de collages, à la manière des cubistes. Déconcertante, en somme, comme l’est toute vie qui diffère de la nôtre. Et qui pourtant rejoint celles de toutes les femmes. Prises dans la nécessité de couper des liens pour pouvoir en créer d’autres. Et parvenir à les assumer.

Au début du voyage, la poète était celle qui, dans sa jeune inexpérience, regardait « insuffisamment les paysages et les fruits et les fleurs à cueillir les lieux les ciels qu’offrait sa terre ». Après sa traversée dans l’existence, elle est celle qui se définit comme « éprise de la nécessité du geste de considérer les paysages et les fruits et les fleurs à cueillir les lieux les ciels jusqu’ici ignorés ».

Parvenue au terme de son cheminement, la « nouvelle seconde femme » se découvre soudain allongée étirée grandie. Comme nombre d’héroïnes des contes de nos enfances. Grandie par le regard qu’elle porte sur le monde qui l’entoure. Grandie par le regard qu’elle porte sur ses présences modestes. Un beau parcours que ce Compte de femmes. Riche d’enseignements. Riche de désirs.


Angèle Paoli

 

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Une note de lecture de Sanda Voica, in Paysages écrits N°26, décembre 2015


Pourquoi les femmes ?

Un vrai roman dans sept pages poétiques : l’exploit de Corinne Le Lepvrier est de taille, car chacune des femmes évoquées renvoie à chacune des femmes possibles – connues par le lecteur – et donc chaque fragment gonfle, gonfle dans notre tête et devient le chapitre d’un très grand livre. A écrire ? Non : l’esprit poétique de l’auteur est archi suffisant pour qu’on voie et vive avec la mère, la sœur, la grand-mère maternelle, l’arrière-grand-mère, l’amie, la possible bien-aimée, sa première fille, sa deuxième fille, « l’inconnue déjà là » (= la Mort ?), mais aussi « cette femme d’une contrée plus chaude et ventée / qui massant remuant son corps (à ce moment-là tari diminué) / troublant sa gorge voix parole (à ce moment-là envahie augmentée) rappela sa mère-silhouette sans cheveux front si dégagé menton avancé sans dire / cela se voyant se pleurant / et la douleur d’être l’enfant encore (dans un désert) ».

Sans passer sous silence « l’une (probablement un animal) / [qui] porta le musculeux et rusé projet de l’aimer rapidement toutes à la / fois l’aimer confusément telle fille-amante-mère de la sorte / qu’elle sustenta comme si de rien caressa / avant que de disparaitre entièrement ce qu’elle n’oublia pas ».

Et surtout celle-ci – la poète même, autoportrait possible, à nos yeux : « Celle une et pas seule qui tout le jour tout le temps marchait d’un pas grand et lent devant l’attente d’un homme à venir et parlait aux pierres tout le long / convoqua dans le secret des anges à toute fin d’enclore sa peur protéger ses enfants sa demeure des ombres capables de l’autre côté noirceurs / et sauva ainsi (il se peut) sa vie au bord de sa route alors encombrée mais pas seulement. »

La poète sauve sa vie par le fait de l’écrire, la mettre en mots si succincts et justes. La conter – et tout va bien, pour elle et pour les lecteurs, car le plaisir d’écouter et lire ces contes super-brefs s’empare de nous.

Même si la poète n’est pas la seule à dire « la contrariété la contradiction d’être et des choses », car d’autres femmes ont su et savent être « conte ». Se transformer en conte, quoi de plus exquis pour un écrivain !

Et Corinne Le Lepvrier le réussit, à travers ces quelques pages denses, où l’énumération des femmes qui ont compté pour elle se transforme – tout compte fait, en conte ! Histoire magique des femmes, mais surtout « des existences des piétinements des silences qu’elles firent revenir de leurs mains alternées sensiblement pareillement gorgées à rejouer les choses du monde ».

Pourquoi les femmes ? Peut-être aussi parce que la poète, à travers toutes celles évoquées, «[…] s’entrevit nombreuse ». Une façon particulière aussi de s’adresser « à l’enfant la fillette debout qu’elle fut petites joues petite moue devant ses premières marches ses âges ».

Et ce « Compte de femmes » s’avère finalement un avancement « un peu plus en avant vers le jour suivant (maintenant coïncidant tout autant hier qu’après-demain) ».

Surtout qu’il s’agit « d’Un jour suivant n’appartenant à aucune saison / ayant pris connaissance de nouveau connu que les premières-dernières fois-choses sont toutes ainsi comme papillons-manifestations ».

Tout en étant elle-même et toutes les autres femmes, la poète se voit quand même tendre vers une nouvelle femme ou une nouvelle naissance : « Et s’attendait une escale sa terre de suivre continuer / celle qui profiterait-grandirait de ses bras levés au ciel levés de soleil/ dans toute leur longueur-horizon/ et l’allongerait l’étirerait vers une nouvelle seconde femme ».

Sanda Voïca

Paysages écrits : Revue numérique de littérature et de poésie actuelles ouverte aux arts visuels (photographie, peinture, dessin, etc.) Sanda Voica et Samuel Dudouit

 https://sites.google.com/site/revuepaysagesecrits/

Publié dans Compte de femmes X2